La Balade Sauvage #1 : dessiner les contours de l'urbanisme transitoire, s'oublier dans un hôtel confidentiel, vivre dans des minimaisons...
et autres pistes pour s'aventurer sur des chemins inédits qui redéfinissent la ville, le logement et le confort.
La Balade Sauvage, c'est une fenêtre ouverte sur de nouveaux modes d'habiter, de collaborer, de voyager ou de rêvasser. Un rendez-vous à la découverte de projets inspirants. Mais aussi un prétexte pour rencontrer celles et ceux qui font bouger les lignes.
Pour cette première balade, j’ai laissé libre cours à mes envies. Ou plutôt, j’ai choisi d’évoquer des sujets qui me tiennent à cœur, comme la place du collectif, l’hybridation et le savoir-faire artisanal. Au menu :
AGIR MAINTENANT : l’urbanisme transitoire sous le prisme d’un tiers-lieu d’exception, les bien nommées Arches Citoyennes.
RÊVER EN GRAND : un nouvel hôtel aux notes douces à deux pas de l’Élysée Montmartre.
IMAGINER DEMAIN : des minimaisons en guise d’alternative à la crise du logement.
Quelques ressources littéraires sont également au programme pour se nourrir l’esprit et prolonger le voyage.
Bonne lecture.
AGIR MAINTENANT
L’urbanisme transitoire : comment transforme-t-il la ville ?
Valoriser des espaces jusqu’alors délaissés, expérimenter de nouvelles formes du vivre ensemble, insuffler une nouvelle dynamique impliquant citoyens et habitants… Grâce à toutes ces fonctions, l’urbanisme transitoire est devenu une composante majeure du paysage urbain. Même si des friches industrielles ou des territoires en déshérence occupés (ou squattés suivant le regard que l’on porte) ont toujours existé, c’est à partir des années 2010 que l’urbanisme dit transitoire s’est développé à vitesse grand V.
Aujourd’hui, aux quatre coins du territoire, on ne compte plus les projets qui fabriquent une ville plus raisonnée et qui accompagnent les usages en mutation. Mais au fait, comment concevoir un projet d’urbanisme transitoire réussi ? Pour répondre à cette question, je suis allée à la rencontre de Louise Bothé (responsable communication des Arches Citoyennes) afin d’évoquer l’un des lieux emblématiques de l’urbanisme transitoire : les Arches Citoyennes, soit un tiers-lieu de près de 30 000 m2 investi par 450 structures occupantes à deux pas de l’Hôtel de Ville de Paris.
Comment expliquer le développement de l’urbanisme transitoire ?
Louise Bothé : La proportion de locaux vacants ne fait que croître, notamment en ce qui concerne l’immobilier de bureau. On estime, à titre d’exemple, qu’il existe environ 5 millions de m2 vides en Île-de-France. Dans le même temps, de nombreuses structures ont besoin d’accéder à l’immobilier pour se développer mais elles n’en ont pas les moyens, d’autant plus lorsque les prix des loyers ne cessent d’augmenter, comme c’est le cas dans les métropoles. Les acteurs comme Plateau Urbain – une coopérative spécialisée depuis 2013 dans l’urbanisme transitoire et temporaire – offrent une solution pour répondre à ces deux problématiques.
Dans quel contexte les Arches Citoyennes ont-elles vu le jour ?
L.B. : Dans le cadre de la transformation de l’ancien siège de l’AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris), un appel à projets urbains innovants a été lancé (Réinventer Paris 3). Il a été remporté par un groupement conduit par BNP Paribas Real Estate, accompagné d’APSYS et de RATP Solutions Ville pour la création du premier « immeuble à mission » de la Capitale. Ce projet d'immeuble, nommé les Hospitalités Citoyennes, est un projet d'urbanisme "classique", Les Arches Citoyennes sont la phase d'urbanisme transitoire qui se déploie dans l'attente des autorisations pour que les travaux puissent débuter.
En quoi le projet des Arches Citoyennes est-il singulier ?
L.B. : En termes de superficie et de localisation, c’est un des plus ambitieux projets d’urbanisme transitoire porté par Plateau Urbain. Composées de deux bâtiments de 5 étages avec des sous-sols – soit l’équivalent de la Station F ou du Centrequatre en termes de mètres carrés pour des activités différentes –, les Arches Citoyennes sont situées en plein cœur de Paris à deux pas de Notre-Dame et de la préfecture de Police. Il a donc fallu répondre à des enjeux de sécurité, tout en garantissant des espaces de travail agréables aux 450 structures occupantes, un chiffre inédit qui représente environ 1 400 personnes ayant accès au bâtiment.
Cela ne doit pas être simple d’accueillir 450 structures…
L.B. : C’est un vrai challenge ! Notre objectif est de provoquer des rencontres, des moments de partage, quitte à repenser nos habitudes pour conserver un esprit de proximité et de convivialité. Pour cela, nous avons notamment choisi de mélanger les structures plutôt que de créer un espace dédié aux artistes, un autre aux artisans, etc. Pour autant, on constate que des petites communautés se forment et que certaines collaborations naissent entre des acteurs d’un même secteur ou par affinités.
Et le voisinage, comment a-t-il réagi ?
L.B. : Nous sommes allés à la rencontre des conseils de quartier, et nous avons invité leurs membres à visiter le lieu. Rapidement, les résistances se sont levées, surtout lorsque les habitants ont compris que nous allions proposer des évènements gratuits ou à prix libre, ouverts à toutes et tous. Dans un quartier majoritairement touristique et marchand, sans espace vert, il est très difficile de pratiquer une activité en extérieur peu chère, mis à part prendre un verre en terrasse. Les Arches Citoyennes se veulent un lieu accessible autant aux habitants du quartier qu’à celles et ceux venus de plus loin, notamment grâce à sa centralité et à son accessibilité via le RER.
Quel est ton point de vue vis-à-vis de l’urbanisme transitoire ?
L.B. : Plutôt que de réurbaniser ou de construire, cela semble une évidence d’utiliser ce qui existe déjà, d’autant plus lorsque l’on passe chaque jour devant des bâtiments vides alors que des personnes ont besoin d’espaces pour travailler et vivre. À Paris, mais aussi partout en France, les tiers-lieux insufflent de la vie et recréent du lien : à travers la programmation d’activités et d’évènements, ils facilitent la discussion et permettent de rencontrer des personnes que l’on ne croiserait jamais au quotidien. Ce sont des lieux hybrides qui sont également ancrés dans une certaine réalité, la cour des Arches Citoyennes est par exemple accessible aux personnes en situation de précarité, celles-ci peuvent profiter d’un moment pour se reposer et recharger leur téléphone. C’est cela que dessine l’urbanisme transitoire, une manière d’aller à la rencontre de l’autre et d’inclure celles et ceux qui sont à la marge pour faire société ensemble.
L’urbanisme transitoire vu par Maxence de Block, architecte urbaniste au sein de l’agence de design d’intérêt général Vraiment Vraiment
Maxence travaille chez Vraiment Vraiment, une agence de design d’intérêt général présente depuis la phase concours dans le groupement conduit par BNP Paribas Real Estate. Sa mission en tant que directeur de projet et architecte pour les Arches Citoyennes ? Assurer que la préfiguration du site nourrisse le projet de requalification du siège de l’AP-HP.
Comment perçois-tu l’urbanisme transitoire ?
Maxence de Block : Pour nous, l’urbanisme transitoire n’est pas une fin en soi, mais un vrai outil de conception ! C’est une opportunité de tester des usages, des interactions et d’alimenter la faisabilité technique et opérationnelle d’un projet urbain à vocation pérenne. Prenons l’exemple des Arches Citoyennes : elles nous ont permis d’expérimenter, d’ajuster et de concrétiser nos intentions vis-à-vis du projet d’immeuble les Hospitalités Citoyennes qui sera lancé courant 2027.
Quels usages ont été testés au sein des Arches Citoyennes ?
M. d. B. : L’un des sujets majeurs a été l’accès à la cour centrale. Fermée pendant plusieurs décennies, celle-ci n’avait jamais été accessible au public. Rien ne garantissait que les Parisiens et les visiteurs de passage s’y rendraient spontanément. Comment redonner une dimension d'hospitalité ? Comment créer des usages qui permettent de se sentir autorisés à entrer dans un bâtiment et à rester dans sa cour ? Autant de questions qui nous ont permis d’esquisser des aménagements, des prototypes de mobilier polyvalents et d’imaginer une gestion adaptée aux conditions d’accueil du public. Nous avons également expérimenté des espaces chronotopiques accueillant différents usages en fonction des temporalités, un principe qui sera amené à être reproduit au sein des Hospitalités Citoyennes.
Comment les habitants ont-ils été intégrés dans le projet ?
M. d. B. : Alors que la plupart des concertations auprès des habitants ont lieu une fois que le projet d’urbanisme est bien avancé. Ici, nous souhaitions les intégrer dès le début afin de réfléchir main dans la main à la conception et à la programmation de ce futur lieu, comme de véritables partenaires de terrain. Cela a notamment permis de faire émerger des besoins jusqu’alors ignorés – par exemple une halte pour les coursiers à vélo, une bibliothèque, un drive pour piétons – et d’instaurer un climat de confiance. Cette possibilité laissée aux habitants de s’investir dans l’aménagement de leur cadre de vie favorise également la pérennité du projet.
Quels enseignements tires-tu de cette expérience ?
M. d. B. : On pensait, sans doute naïvement, que dès l’ouverture des grilles, le public serait au rendez-vous. Mais la question de la temporalité est centrale : il faut du temps pour que les personnes osent entrer dans un lieu, qu’elles se sentent à leur place, en particulier celles qui viennent de loin. Ce type de projet nous amène également à redéfinir notre pratique, en concevant un urbanisme véritablement pour et avec les usagers. D’ailleurs, il n’est pas indispensable d’avoir un budget conséquent pour dessiner une ville plus accueillante, plus inclusive et plus sensible. Voilà pourquoi je préfère parler d’urbanisme frugal au lieu d’urbanisme transitoire, soit faire mieux avec moins en combinant intelligences collectives et innovations.
RÊVER EN GRAND
Élysée Montmartre Hôtel
Rien ne laisse présager qu’un îlot de douceur se cache ici, entre le boulevard Rochechouart et le Trianon, à deux pas de celle qui a vu défiler les grands artistes du 20ᵉ siècle et les icônes des nuits parisiennes. Pourtant, c’est bien tout contre l’Élysée Montmartre qu’un hôtel éponyme abrite 16 chambres.
Loin d’être réservé aux mélomanes ou aux amoureux de la fête, l’Élysée Montmartre Hôtel, lieu confidentiel par excellence, emprunte la voie de l’artisanat sous ses airs wabi sabi. Une voie où la matière et les lignes entrent en résonance : le bois d’eucalyptus, le lin léger, les briques anciennes, le cannage et l’ocre chaud.
Le producteur Abel Nahmias et l’architecte/entrepreneur Julien Labrousse ont conçu les espaces comme autant de cocons qui invitent à s’autoriser une pause, un moment à soi. En un mot, un havre de paix pour recharger ses batteries avant une prochaine danse.







Réservez votre parenthèse élyséenne.
IMAGINER DEMAIN
Un hameau pionnier : des minimaisons en réponse aux prix des loyers qui grimpent
Comme beaucoup de communes, Grand-Champ est touché de plein fouet par la crise du logement. En vingt ans, cette petite ville de 6 000 habitants située à 15 kilomètres de Vanne a vu le prix des maisons doublé, obligeant certains actifs à s’éloigner de leur lieu de travail pour trouver un toit, quitte à engloutir une grande partie de leur salaire dans les frais de déplacement.
Pour offrir une alternative à un marché de l’immobilier tendu, Yves Bleunven, l’ancien maire de Grand-Champ désormais sénateur, a porté un projet pour le moins original : offrir la possibilité de louer à un tarif abordable des emplacements destinés à accueillir des tiny houses et des minimaisons en logement social. Le but ? Répondre aux besoins des actifs travaillant à proximité de la commune qui recherchent un logement, et dans le même temps, favoriser le dynamisme du territoire.
Un mode de vie plus autonome et écologique
À ce jour, une vingtaine de tiny houses ont été installées sur l’ancien camping municipal de Grand-Champ. Dans ce petit village reconstitué, l’entraide et la solidarité sont la règle. Il faut aider à installer les nouveaux arrivants, raccorder les habitats légers aux réseaux d’eau et d’électricité, et parfois donner un coup de main pour de menus travaux de bricolage. Les habitants sont nombreux à apprécier ce cadre qui dessine un vivre-ensemble où les enfants profitent d’un bel espace de liberté et où les adultes définissent des règles pour faire cohabiter proximité, indépendance et bonne entente.
Le rapport à la nature se veut également plus sensible. Nombreux sont les habitants qui ont un penchant pour les solutions qui diminuent les consommations énergétiques et limitent l’impact sur l’environnement. Et certains n’hésitent pas à mettre les mains dans la terre pour faire pousser des légumes de saison, comme en atteste la présence du potager du hameau.
Des habitats légers qui font des émules
Rapides à installer, ces tiny houses ont l’avantage d’être déplacées et démontées facilement, sans réelle influence sur l’environnement, à l’inverse des structures lestées de fondations en béton. Résultat, de plus en plus de communes s’intéressent de près à ce type d’habitat, tandis que des initiatives émaillent le territoire afin de promouvoir un mode de vie plus vertueux. C’est notamment le cas de l’association Hameaux légers qui proposent des formations, des ressources et des évènements pour encourager la création d’écohameaux.
Qui sait, peut-être que dans quelques années, ces alternatives feront pleinement partie du paysage, qu’elles seront perçues comme un moyen pour tous de vivre sobrement et dignement.
CARNET DE LECTURES
Pour poursuivre l’aventure :
Murs solidaires - Mécaniques des lieux d'utilité sociale. De Vincent Josso et Flore Trautmann, aux éditions Apogée
Habiter ensemble autrement. De Anne-Sophie Clémençon et Michel Bernard, aux éditions Le passager clandestin.
L’art de greffer en architecture. De Jeanne Gang aux éditions Park Books.
🌿 J’espère que cette balade vous a plu.
On se retrouve très vite pour une nouvelle édition.
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À très vite,
Aurélie
Qui suis-je ? Créactrice de contenus qui aptent, engagent et convertissent - avec un goût affirmé pour l’habitat, l’urbanisme, l’architecture et la mobilité -, j'accompagne les marques, les entreprises et les agences dans leur stratégie éditoriale et la production de contenus (charte éditoriale / copywriting / rédaction).